De façon étonnante, il n’existe pas d’histoire récente et complète de la critique d’art. La seule qui fut écrite, celle de Lionello Venturi, date de 1936. En dehors de cet essai général, on trouve des travaux concernant des périodes déterminées, mais aucun qui propose, comme l’ouvrage de Gérard-Georges Lemaire, une histoire des écrits sur l’art depuis les Grecs jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, en Europe et en Amérique. C’est à Denis Diderot qu’il revient d’avoir élevé la critique d’art au rang de genre littéraire à part entière. Cette consécration est le fruit d’une longue histoire qui commence avec l’Antiquité grecque et latine, se prolonge à la Haute Renaissance italienne, puis s’épanouit lorsque la naissance des Salons, à partir de la fin du XVIIe siècle, donne lieu à de libres commentaires des amateurs d’art. Au XIXe siècle, de nombreux écrivains rédigent leurs Salons ou font le portrait des artistes, ces derniers décidant souvent de prendre à leur tour la plume pour faire œuvre critique. Cette relation étroite entre l’art et la littérature fait tache d’huile dans toute l’Europe et, plus tard, aux États-Unis. Au XXe siècle, la critique est profondément enracinée dans les moeurs. Parallèlement aux écrits des écrivains et des artistes, une presse spécialisée émerge et, avec elle, de plus en plus de professionnels. Le genre se diversifie et s’universalise. Cet ouvrage réinterroge, tout en retraçant son histoire, cette aventure de la pensée et du goût qui accompagna le développement de l’art occidental.
FAIRE L HISTOIRE DE L ART EN FRANCE (1890-1950) - PRATIQUES, ECRITURES, ENJEUXEn explorant l’histoire de l’art en France de 1890 à 1950, le parcours de ses acteurs, et la diversité de ses publics, cet ouvrage révèle l’image d’une discipline en pleine transformation, expérimentant de nouvelles méthodes appliquées à de nouveaux objets.
L’histoire de l’art produite en France pendant la première partie du XXe siècle est assez peu présente dans les ouvrages classiques étudiant l’évolution de la discipline. Au-delà de quelques figures pionnières et d’œuvres fondatrices, comme celles d’Émile Mâle ou d’Henri Focillon, la production historiographique des années 1890-1950 n’est pas réputée avoir produit de mutations décisives, ni dans la méthodologie de l’histoire de l’art, ni même dans la définition de son objet.
Cette période est pourtant marquée par un foisonnement intellectuel sans précédent, qui a inspiré une large gamme de publications savantes, d’ouvrages de vulgarisation et d’expositions. En explorant à la fois les modalités concrètes de cette production, le parcours de ses acteurs, les concepts fondamentaux de la discipline et la diversité de ses publics, cet ouvrage révèle l’image d’une histoire de l’art plus ouverte, plus expérimentale, en un mot plus moderne que celle qu’on connaissait jusqu’à présent.1,430/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001956426
HENRI FOCILLONFigure tutélaire de l'histoire de l'art français, Henri Focillon (1881-1943) fut professeur d'histoire de l'art à l'université de Lyon et directeur des musées de la ville de 1913 à 1924. Il enseigna ensuite à la Sorbonne, au Collège de France puis aux Etats-Unis où il choisit de s'exiler. Tout au long de sa carrière, Focillon marqua plusieurs générations d'élèves, mais aussi de lecteurs éblouis par l'ampleur de son savoir comme par ses qualités d'écrivain. La diversité des sujets abordés - de la sculpture romane à la peinture de son temps - et l'éventail des périodes prises en compte reflètent la richesse de ses intérêts et son goût pour les chemins de traverse. Cet ouvrage, qui réunit les études de plusieurs spécialistes français et étrangers, évoque ainsi les différentes facettes de sa pratique d'historien de l'art et les étapes de sa carrière : son engagement dans le siècle, la multiplicité de ses objets de recherche, mais aussi sa prédilection pour le domaine de l'estampe, occidentale ou orientale. L'analyse comparée des travaux de Focillon et de ses grands contemporains, notamment en Allemagne et en Italie, permet d'inscrire sa démarche dans un faisceau de relations au sein desquelles émerge sa singularité. Loin de ne constituer qu'un simple hommage au plus fameux des historiens de l'art français du XXe siècle, cet ouvrage collectif offre enfin l'occasion de s'interroger de façon critique sur l'héritage d'Henri Focillon : ce qu'il reste aujourd'hui, dans nos pratiques et nos méthodes, de l'œuvre intellectuelle de l'auteur de la Vie des formes. Le colloque, dont ces actes rendent compte, a été organisé par l'INHA et l'université Lumière Lyon 2 en mars 2004.1,290/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001956382
HISTOIRE DE L ART N 92 : REPRODUCTIONS DECEMBRE 2023Outil indispensable à la diffusion et à la connaissance des oeuvres, la reproduction est omniprésente dans la culture visuelle contemporaine. Loin de seulement susciter une « perte d’aura », selon la formule de Walter Benjamin, elle est un instrument majeur de l’histoire de l’art, utilisée par les chercheurs de manière si régulière qu’ils en oublient parfois son caractère interprétatif. Le numéro Reproductions invite à considérer sur un temps long l’ensemble des techniques de reproduction et leurs usages. La reproduction permet le passage d’un médium à l’autre : ainsi, dans le cas de la tapisserie, Marie Cuttoli commande des modèles à des artistes phares des années 1930 et 1960 ; croisant gravure et photographie, Nicéphore Niépce met au point l’héliographie ; en sculpture, Vincenzo Vela s’inspire de la photographie et du moulage. Les techniques d’agrandissement (Auguste Rodin et le pantographe) et de réduction (l’édition de bronzes à Paris au XIXe siècle) sont aussi étudiées. Une attention particulière est prêtée aux acteurs et aux circuits de diffusion, depuis la création d’Agnus Dei dans la Rome moderne jusqu’au soutien apporté à la gravure d’interprétation par la Chalcographie du musée du Louvre, en passant l’apparition du tirage limité des estampes au XVIIe siècle. Ce numéro questionne ainsi les usages multiples de la reproduction. Si elle s’avère utile pour l’étude et l’apprentissage, comme dans le cas des collections de moulages lyonnaises ou des conférences accompagnées de projections lumineuses par Raphaël Gaspéri dans le sud de la France au début du XXe siècle, elle peut aussi être parfois trompeuse, à l’exemple des manipulations photographiques effectuées par les éditions Cahiers d’art pour magnifier des objets préhistoriques ou des usages parfois controversés de moulages par la galerie Demotte. Apparaît ainsi clairement le potentiel (dé)formateur de la reproduction, qui entre enfin dans le champ des pratiques muséographiques, patrimoniales et artistiques, comme en témoignent une enquête sur le mobilier traditionnel menée par le musée national des Arts et Traditions populaires dans les années 1940 ; le développement des expositions immersives qui trouvent leur origine dès les années 1960 ; les performances phares du XXe siècle rejouées sur Second Life par Eva et Franco Mattes ; ou encore la reprise en 2010 à Eindhoven d’un dispositif muséographique conçu par Lina Bo Bardi. Par l’analyse de ces réinterprétations multiples, ce numéro d’Histoire de l’art souligne la richesse des processus reproductifs.1,380/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001956365